Stéphanie Larchanché est docteure en anthropologie et ancienne élève de l’EEPA. Elle nous parle de son travail au Centre Minkowska
Stéphanie Larchanché est docteure en anthropologie et ancienne élève de l’EEPA. Elle nous parle de son travail au Centre Minkowska
Stéphanie Larchanché a été invitée en décembre 2021 au premier salon littéraire / portes ouvertes de l’EEPA pour présenter l’ouvrage qu’elle a co-dirigé avec Jorge P. Santiago : Migrants et santé mentale (Hémisphère Editions, 2020). Elle a parlé de sa formation à l’EEPA et des liens entre psychanalyse et anthropologie
Une anthropologue à l’EEPA
J’ai eu l’impression d’ajouter une épaisseur de verre à mes lunettes en venant à l’EEPA. En tant qu’anthropologue, j’ai acquis des connaissances sur la manière dont les individus s’organisent en société. A l’EEPA, j’ai pu acquérir les outils pour comprendre les logiques qui sous-tendent cette organisation sociale. L’anthropologie a toujours dialogué avec la psychanalyse et la psychologie. Ces deux facettes de la compréhension des individus sont absolument nécessaires et complémentaires.
Eugène Minkowski
Je travaille au centre Minkowska, qui est un centre médico-psychologique fondé par un psychiatre juif polonais, Eugène Minkowski. A son époque, il a eu le mérite de s’inscrire contre une psychiatrie qui commençait à s’appuyer de manière assez rigide sur des grilles diagnostiques et qui perdait un peu de vue la personne derrière le patient. Pour Eugène Minkowski, il n’y a pas que des symptômes, il y a une personne avec son vécu, et il faut être sensible à cette expérience.
Le centre a été créé au tout début des années 1960 par Eugène Minkowski qui était lui-même venu se réfugier avec sa famille en France pour éviter la montée du nazisme dans l’entre-deux-guerres. Il a créé ce centre pour accueillir les premières populations réfugiées d’après-guerre. Ce centre avait pour objectif d’offrir un lieu de soin pour ces personnes qui n’étaient pas encore assez francophones.
Rendre la rencontre possible
Ce livre parle aussi des conditions qui rendent possible la rencontre entre des individus qui ne partagent pas le même cadre de référence. C’est le fondement de la démarche anthropologique. L’anthropologie est une discipline qui s’est développée dans le contexte de la colonisation. Très rapidement, les anthropologues se sont rendus compte qu’ils étaient eux-mêmes porteurs d’un regard qui n’était pas neutre. Ce regard était empreint des représentations qui circulaient à l’époque, de certaines formes d’évolutionnisme, qui étaient en fait racistes.
Les anthropologues se sont alors interrogés sur la manière de rendre possible la rencontre, d’aller à la rencontre de l’autre sans le juger. Ça a demandé une remise en question et une réflexion. Aller à la rencontre de l’autre en suspendant ses filtres : c’est simple à dire, mais c’est un exercice en soi, qui résonne avec l’exercice que met en place le thérapeute quand il va à la rencontre de ses patients.
Anthropologie et thérapie
L’approche anthropo-médicale clinique du Centre Minkowska permet aux thérapeutes d’aller à la rencontre de patients dont ils ne connaissent pas forcément la culture. Les logiques à l’origine des souffrances des patients peuvent parfois surprendre les thérapeutes, les mettre en difficulté, des logiques sorcellaires, par exemple. Cette approche anthropologique permet aux thérapeutes de se décentrer et de tisser des passerelles entre leur cadre de référence à eux et le cadre de références des personnes qu’ils accompagnent.
Médiation et vivre-ensemble
Les migrations sont un sujet aussi vieux que l’humanité. Ce livre contribue à une approche de la médiation : comment vivre ensemble dans la diversité, sortir de sa position de sachant et lâcher le désir de mimétisme qui est au cœur de notre rapport aux autres, mais qui le fausse et qui le mine parfois.